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Communiqué au sujet de la célébration de la messe à La Crau

Paroisse Notre-Dame de la Visitation

Communiqué au sujet de la célébration de la messe à La Crau

Chers paroissiens,

Quand je suis arrivé dans la paroisse en septembre 2023, la messe était célébrée « dos au peuple » ou « ad orientem » selon l’expression plus classique. Vous savez que la première année un curé doit observer et ne pas faire de changements substantiels dans sa paroisse. Ceci pour respecter le travail pastoral de son prédécesseur. La deuxième année je me suis posé la question et j’ai interrogé quelques paroissiens sur la possibilité de célébrer « face au peuple ». Aucune demande explicite ni pression des paroissiens n’a été faite et je me suis inscris dans une continuité. C’est vrai que j’ai découvert cette forme de célébrer la messe en arrivant à la paroisse et je m’y suis habitué.

Cette troisième année la question m’est revenue dans la tête et dans le cœur à cause des messes d’obsèques que j’ai dû célébrer au cours des années précédentes. La première semaine en septembre 2023 j’ai célébré des obsèques avec messe. J’ai célébré donc de la manière habituelle de la paroisse. Il y avait à ces obsèques beaucoup du monde venu de partout. J’ai eu droit quelque temps après à une lettre de protestation à l’Évêché qui disait qu’il était inconcevable qu’on célèbre la messe en latin à l’heure d’aujourd’hui. Malheureusement les gens confondent souvent la messe « ad orientem » avec une messe célébrée en latin. Vous savez bien que la langue n’a rien à avoir dans l’histoire.

Mais la deuxième année j’ai décidé de célébrer les messes d’obsèques « face au peuple » les gens en général, dans ce cas, plus habitués à cette forme de célébration. Quand j’ai dû m’absenter et que j’ai demandé à des confrères de me remplacer pour la célébration de la messe, la question de l’orientation de la célébration a été pour quelques-uns une réelle difficulté.

Avec l’arrivée en septembre de cette année du Père Matthieu, qui est comme vous savez professeur de liturgie, m’a permis de l’interroger sur la partie historique de la célébration de la messe « ad orientem » et la messe célébrée vers le peuple.

Ses arguments, tant liturgiques, historiques que théologiques, m’ont aidé à prendre une décision importante : à partir du premier dimanche de l’Avent de la nouvelle année liturgique, c’est-à-dire du samedi 29 novembre à la messe de 18h00 et du dimanche 30 novembre à 10h30, la messe sera célébrée « face au peuple » comme dans presque 98 % des paroisses de notre diocèse.

Je vous invite à lire les arguments que le Père Matthieu m’a partagés et qui ont éclairé mon discernement. Je tiens à vous dire qu’il n’y a aucune polémique dans mon choix. Mgr Touvet m’a renouvelé sa confiance quand je l’ai consulté et notifié de ce changement dans notre paroisse.

Bien entendu les messes célébrées à l’autel de la Sainte Vierge Marie, le samedi matin et celles célébrées à l’autel de Saint Joseph, continueront à être célébrées comme d’habitude.

Un peu d’histoire…

Père Matthieu Rouillé d’Orfeuil

  1. Dans l’Antiquité, les églises n’étaient pas « orientées » (il suffit de voir un plan de Rome pour le vérifier, les églises sont construites dans tous les sens, et Saint Pierre est tourné vers l’Occident) et on ne sait pas comment étaient disposés le prêtre et l’assemblée.
  2. À partir du Moyen-Âge on a pris l’habitude de tourner les églises vers le soleil levant, et tous, prêtre et fidèles, étaient orientés vers cette lumière, alors qu’on ne célébrait que des messes matinales (à cause du jeûne eucharistique). Il s’agissait symboliquement de regarder vers le Christ « soleil levant venu nous visiter ».

L’architecture a commencé à intégrer cela en construisant des autels adossés au mur, et surmontés d’un retable dont le sens théologique était réfléchi et la qualité artistique soignée (pendant qu’en Orient, on conservait des autels détachés du mur, et surmontés d’un ciborium, ayant également une fonction iconographique et théologique).

  1. Dans la logique du Concile de Trente, on concevait, sur le modèle de Jésus « Bon Pasteur », l’assemblée comme un « troupeau » et le prêtre comme un berger. L’idée que le berger marche devant les brebis s’est cristallisée dans cette disposition liturgique « dos au peuple », tout le monde allant ainsi « dans le même sens », pour ainsi dire.

Cependant, ce qui semblait naturel au XVIe siècle, a perdu de son évidence tandis que l’action du prêtre devenait plus silencieuse et plus lointaine. Le rite fut bientôt déconnecté de la prière des fidèles, et cela fut perçu comme une anomalie vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle (en particulier dans la réflexion du « Mouvement Liturgique »). Les premières célébrations face au peuple datent du début du XXe siècle (1927 à Chartres, 1948 à Notre-Dame de Paris, 1953 à Grand Rapids…)

  1. Dans le projet de rénovation de la liturgie (Pie XII, Mediator Dei; Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium), une idée antique est revenue en lumière, selon laquelle la liturgie est un dialogue entre le Christ et son Église, entre le prêtre et l’assemblée. Comme il est naturel à un dialogue qu’on se parle en se regardant, il a paru logique de mettre en question la place de l’autel et l’attitude corporelle du prêtre pendant le sacrifice… Si le Concile Vatican II, n’a pas abouti toutes les conséquences de cette intuition, ce fut le travail du « Consilium » chargé par Paul VI (et avec son autorité), d’envisager les modalités concrètes.

L’instruction « Inter Œcumenici« , de 1964, commence à penser aux questions d’architecture pour la construction de nouvelles églises ou la restauration d’édifices anciens.

Cf. https://www.ceremoniaire.net/pastorale1950/docs/interoecumenici.html

Surtout ce passage : « II. — L’autel majeur

  1. II est bien de construire l’autel majeur séparé du mur, pour qu’on puisse en faire facilement le tour et qu’on puisse y célébrer vers le peuple, et il sera placé dans l’édifice sacré, de façon à être véritablement le centre vers lequel l’attention de l’assemblée des fidèles se tourne spontanément. »

De fait, il n’est pas interdit de célébrer dos au peuple, évidemment, là où l’autel est ainsi disposé (et on peut très bien continuer à célébrer ainsi à l’autel de Notre-Dame du Fenouillet…) mais la logique dialogale – qui implique la messe face au peuple là où cela est possible – l’emporte explicitement.

Les rubriques actuelles du Missel de Paul VI (« Tourné vers l’autel… Tourné vers le peuple… ») ne signifient pas que l’autel doive être dos au peuple, mais que, si l’autel est dos au peuple, alors le prêtre se retourne ponctuellement.

Entre les deux manières de célébrer, il n’y a pas d’antagonisme idéologique ; les deux restent possibles en droit. Elles ne sont pourtant pas tout à fait équivalentes théologiquement et symboliquement. La manière dos au peuple illustre une ecclésiologie rituelle « Pasteur/troupeau » – « prêtre/fidèles ». La manière face au peuple privilégie un dialogue « Christ Époux / Église épouse ». Alors que la manière dos au peuple était spirituellement cohérente avec la mentalité médiévale, puis tridentine, la manière face au peuple semble mieux adaptée avec la mentalité du renouveau liturgique et à l’ecclésiologie contemporaine.

Voilà… j’espère qu’on peut expliquer cela sans susciter trop de polémique. C’est juste du « bon sens » (pour dire, sans jeu de mots !).

 

La Crau, le 20 novembre 2025

Chanoine Christian Dornemann, curé de la paroisse.